Devoir de vigilance : le procès de TotalÉnergies
C'est la première action en justice de ce type et elle pourrait bien permettre de suspendre EACOP ! Ce mercredi 7 décembre 2022 s'ouvre le procès de TotalÉnergies à Paris. Il fait suite à un recours déposé par 2 associations françaises (Les Amis de la Terre et Survie) et 4 ONG ougandaises (AFIEGO, CRED, NAPE / Amis de la Terre Ouganda et NAVODA) en 2019, accusant TotalÉnergies de manquements à son devoir de vigilance sur le projet d'oléoduc EACOP.
Les ONG demandent la suspension du projet EACOP tant que les risques associés n'ont pas été correctement identifiés et que des mesures pour empêcher les violations des droits humains et un désastre écologique n'ont pas été prises et la mise en conformité du plan de vigilance de TotalÉnergies avec la loi.
Quelques rappels chiffrés
EACOP, ce serait le plus long oléoduc chauffé au monde, qui parcourrait 1 443 kilomètres d'après les Amis de la Terre. Il est associé à 2 projets d’exploitation de pétrole en Ouganda (Tilenga et Kingfisher). Et c'est un véritable désastre écologique et humain.
Toujours d'après une étude des Amis de la Terre, EACOP pourrait causer l’expropriation d'environ 118 000 personnes de leurs terres tout le long de son parcours entre l'Ouganda et la Tanzanie. Ses émissions sont estimées à 379 millions de tonnes de CO2 pour la durée totale du projet.
EACOP traversera aussi des réserves et aires naturelles protégées, avec des écosystèmes uniques et très fragiles, qui abritent de nombreuses espèces protégées dont certaines menacées d’extinction.
L’oléoduc menace aussi le plus grand bassin d’eau douce d’Afrique, le bassin du lac Victoria, dont plus de 40 millions de personnes dépendent. Des marées noires pourraient se produire sur la côte tanzanienne, sujette aux tsunamis du fait d'une importante activité sismique.
Le temps presse pour arrêter EACOP
Car si les travaux ont déjà commencé en Ouganda, TotalÉnergies a d'autres projets, notamment celui de deux immenses champs gaziers au large de l'Afrique du sud.
En plus, c'est la première action en justice fondée sur la loi sur le devoir de vigilance des multinationales et ce jugement pourrait faire office de jurisprudence pour la justice climatique.
Le devoir de vigilance
C'est une loi pionnière adoptée en France en mars 2017 à destination des grosses entreprises, leur demandant d'établir et mettre en œuvre un "plan de vigilance" défini à l'article L. 225-102-4 du Code de commerce ⬇️
"Le plan comporte les mesures de vigilance raisonnable propres à identifier les risques et à prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l'environnement, résultant des activités de la société et de celles des sociétés qu'elle contrôle"
Loi n°2017-399 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et entreprises donneuses d’ordre, aussi dite « loi sur le devoir de vigilance »
Il y a de l'espoir !
EACOP est déjà visé par une résolution du Parlement européen. En septembre dernier, les député·e·s européen·ne·s dénoncent des “violations des droits humains” et demandent à TotalEnergies “de prendre un an pour étudier la faisabilité d’un itinéraire bis pour ce projet afin de mieux protéger certains écosystèmes sensibles et les ressources en eau de l’Ouganda et de la Tanzanie, et de limiter l’impact sur les bassins versants de la région des Grands lacs”.